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Lors de notre première rencontre, la taille d’Alendi me frappa. Je voyais là un homme qui dominait les autres, un homme qui – malgré son jeune âge et son humble vêture – imposait le respect.

 

Description : 025

 

L’amphithéâtre se situait dans les anciens locaux du Canton des Finances du Ministère d’Acier. C’était un espace bas de plafond, évoquant davantage un grand amphithéâtre qu’une salle de réunion. Des rangées de bancs se déployaient en éventail face à une estrade. Sur la droite de l’estrade, Elend avait fait installer des gradins réservés aux membres de l’Assemblée. Sur la gauche, un unique lutrin destiné aux orateurs.

Ce dernier était placé face aux membres de l’Assemblée, et non pas face à la foule. On encourageait toutefois les gens du peuple à assister à la séance. Elend estimait que tout le monde devait participer au fonctionnement du nouveau gouvernement ; il se désolait que les réunions hebdomadaires de l’Assemblée se tiennent généralement devant un public si restreint.

Le siège de Vin se trouvait sur l’estrade, mais au fond, face au public. Depuis son poste d’observation, parmi les autres gardes du corps, elle regardait la foule au-delà du lutrin. Une autre rangée de gardes de Ham – vêtus d’habits ordinaires – occupait le premier rang du public, fournissant ainsi une première ligne de protection. Elend avait regimbé lorsque Vin avait demandé à placer des gardes aussi bien devant l’estrade que derrière – il estimait que savoir des gardes assis juste derrière eux allait distraire les orateurs. Toutefois, Ham et Vin avaient insisté. Si Elend devait se produire chaque semaine face à une foule, Vin voulait s’assurer de pouvoir le garder à l’œil – ainsi que ceux qui le regardaient.

Pour atteindre son propre siège, il lui fallait donc traverser l’estrade. Des regards fixes la suivirent. Certaines personnes, parmi la foule présente, étaient avides de scandale ; elles la prenaient pour la maîtresse d’Elend, et un roi couchant avec son assistante personnelle fournissait un bon sujet de ragots. D’autres s’intéressaient à la politique ; ils se demandaient quelle influence Vin exerçait sur Elend, et s’ils pouvaient se servir d’elle pour se faire entendre du roi. D’autres encore étaient intrigués par les légendes naissantes ; ils se demandaient si une fille comme Vin pouvait réellement avoir tué le Seigneur Maître.

Vin pressa le pas. Elle passa devant les membres de l’Assemblée et trouva son siège près de Ham, qui portait – malgré la gravité de l’occasion – un gilet simple sans chemise. Assise près de lui, en chemise et pantalon, Vin se sentait un peu moins déplacée.

Ham sourit et lui assena une tape affectueuse sur l’épaule. Elle dut se forcer à ne pas sursauter à son contact. Ce n’était pas que Ham lui déplaise – bien au contraire, même. Elle l’aimait comme tous les anciens membres de la bande de Kelsier. Simplement… eh bien, elle avait du mal à l’expliquer, même à elle-même. Le geste innocent de Ham la mettait mal à l’aise. Il lui semblait que les gens n’auraient pas dû toucher les autres avec une telle désinvolture.

Elle chassa ces idées. Elle devait apprendre à être comme les autres. Elend méritait une femme normale.

Il était déjà présent. Il salua Vin d’un signe de tête lorsqu’il remarqua son arrivée, et elle sourit. Puis il se remit à parler tout bas à lord Penrod, l’un des nobles de l’Assemblée.

— Elend va être content, chuchota Vin. La salle est bondée.

— Ils sont inquiets, répondit Ham tout bas. Et les gens qui s’inquiètent sont plus attentifs à ce genre de choses. Je ne peux pas dire que j’en sois ravi – tous ces gens nous compliquent la tâche.

Vin hocha la tête, balayant le public du regard. La foule était étrangement bigarrée – un assortiment de différents groupes qui ne se seraient jamais croisés à l’époque de l’Empire Ultime. Une grande partie d’entre eux, bien sûr, étaient des nobles. Vin fronça les sourcils, se rappelant à quelle fréquence les divers membres de l’aristocratie cherchaient à manipuler Elend, et les promesses qu’il leur faisait…

— C’est quoi, cette expression ? demanda Ham en lui donnant un coup de coude.

Vin observa le Cogneur. Un regard plein d’espoir illuminait son visage sévère et rectangulaire. Ham possédait une sorte de sixième sens quand il s’agissait de disputes.

Vin soupira.

— Je ne sais pas trop ce que j’en pense, Ham.

— Quoi donc ?

— De ça, dit-elle tout bas en désignant l’Assemblée d’un geste. Elend fait tellement d’efforts pour contenter tout le monde. Il donne tellement – son pouvoir, son argent…

— Il veut simplement s’assurer que chacun soit traité équitablement.

— Pas seulement, Ham, répondit Vin. C’est comme s’il était déterminé à ce que tous deviennent nobles.

— Et ce serait une si mauvaise chose ?

— Si tout le monde est noble, alors les nobles n’existent plus. Tout le monde ne peut pas être riche, et tout le monde ne peut pas avoir le pouvoir. Les choses ne marchent pas comme ça.

— Possible, répondit Ham, songeur. Mais est-ce qu’Elend n’a pas le devoir civique d’essayer de s’assurer que justice soit faite ?

Devoir civique ? se dit Vin. J’aurais mieux fait de ne pas aborder ce sujet-là avec Ham…

Vin baissa les yeux.

— Je me dis simplement qu’il pourrait s’assurer que tout le monde soit traité équitablement sans tenir d’Assemblée. Ils ne savent rien faire d’autre que se disputer et essayer de lui prendre son pouvoir. Et il les laisse faire.

Ham laissa la conversation se tarir et Vin se remit à étudier l’auditoire. Un large groupe d’ouvriers était apparemment arrivé en premier et s’était débrouillé pour obtenir les meilleures places. Aux débuts de l’Assemblée – une dizaine de mois plus tôt –, les nobles envoyaient des serviteurs leur réserver des sièges, ou soudoyaient des gens pour qu’ils leur cèdent leur place. Elend avait fait interdire ces deux pratiques dès qu’il en avait eu vent.

En dehors des nobles et des ouvriers, il y avait de nombreux membres de la « nouvelle » classe. Des commerçants et artisans skaa, désormais autorisés à fixer eux-mêmes le prix de leurs services. Ils étaient les véritables gagnants de l’économie d’Elend. Sous l’emprise oppressante du Seigneur Maître, seule une poignée de skaa extraordinairement doués étaient parvenus à se hisser à des positions de confort même modeste. Sans ces restrictions, les mêmes s’étaient rapidement révélé posséder des dons et un sens des affaires dépassant largement ceux de leurs homologues aristocrates. Ils représentaient une faction de l’Assemblée au moins aussi puissante que celle de la noblesse.

D’autres skaa émaillaient la foule. Leur apparence ne différait guère de celle d’avant l’arrivée d’Elend au pouvoir. Alors que les nobles portaient généralement des costumes – avec chapeau et manteau –, ces skaa-là n’étaient vêtus que de simples pantalons. Certains arboraient de vieux vêtements usés et tachés de cendre, encore sales de leur journée de travail.

Et pourtant… quelque chose avait bel et bien changé en eux. Non pas dans leurs habits, mais dans leur posture. Ils se tenaient un peu plus droits, levaient la tête un peu plus haut. Et ils disposaient d’assez de temps libre pour assister aux réunions de l’Assemblée.

Elend se leva enfin pour ouvrir la séance. Il avait laissé ses domestiques l’habiller ce matin-là, et le résultat en était une tenue presque dépourvue de la moindre trace de désordre. Son costume était bien ajusté, boutonné jusqu’en haut, et son gilet était d’un bleu foncé approprié. Ses cheveux étaient presque soigneusement coiffés et aucune de ses courtes boucles brunes ne rebiquait.

En temps ordinaire, Elend aurait débuté la séance en laissant la parole à d’autres orateurs, des membres de l’Assemblée qui parleraient des heures sur un ton monocorde de divers sujets comme les taux d’imposition ou l’hygiène de la ville. Il y avait cependant ce jour-là d’autres affaires plus pressantes.

— Messieurs, déclara Elend. Je sollicite votre autorisation de m’écarter de notre programme habituel cet après-midi, à la lumière de… l’état actuel des affaires de la ville.

Les vingt-quatre membres de l’Assemblée acquiescèrent, et quelques-uns marmonnèrent à mi-voix. Elend les ignora. Il était à l’aise face aux foules, bien plus que Vin le serait jamais. Tandis qu’il récitait son discours, Vin gardait la foule à l’œil, guettant réactions ou problèmes.

— La nature problématique de notre situation doit vous apparaître comme une évidence, reprit Elend, commençant le discours qu’il avait préparé un peu plus tôt. Nous faisons face à un danger tel que cette ville n’en a jamais connu. Une menace d’invasion de la part d’un tyran étranger qui nous assiège.

» Nous sommes une jeune nation, un royaume fondé sur des principes inconnus du temps du Seigneur Maître. Pourtant, nous sommes déjà un royaume de traditions. Liberté pour les skaa. Gouvernement désigné et exercé par nous. Des nobles qui n’ont pas à trembler face aux obligateurs et aux Inquisiteurs du Seigneur Maître.

» Messieurs, un an, ce n’est pas suffisant. Nous avons goûté à la liberté, et nous avons besoin de temps pour la savourer. Lors du mois écoulé, nous avons multiplié les débats afin de décider de ce que nous devrions faire si ce jour arrivait. De toute évidence, nos opinions divergent sur le sujet. Par conséquent, je demande un vote de solidarité. Promettons à nous-mêmes, ainsi qu’à notre peuple, que nous ne céderons pas cette ville à une puissance étrangère sans y avoir mûrement réfléchi. Décidons de rassembler davantage d’informations, d’explorer d’autres voies, et même de nous battre si la chose s’avère nécessaire.

Le discours se poursuivit, mais Vin l’avait entendu des dizaines de fois tandis qu’Elend le répétait. Elle se mit à surveiller la foule. Elle s’inquiétait surtout des obligateurs qu’elle apercevait assis au fond. Ils n’affichaient quasiment aucune réaction face au jour négatif sous lequel Elend les dépeignait.

Elle n’avait jamais compris pourquoi Elend autorisait le Ministère d’Acier à continuer d’enseigner. C’était le dernier véritable vestige du pouvoir du Seigneur Maître. La plupart des obligateurs refusaient obstinément de prêter leurs connaissances de la bureaucratie et de l’administration au gouvernement d’Elend, et considéraient toujours les skaa avec mépris.

Pourtant, Elend les autorisait à rester. Il avait établi une règle très stricte qui leur interdisait d’inciter à la rébellion ou à la violence. Cependant, il ne les chassait pas de la ville comme Vin le lui avait suggéré. En réalité, si le choix lui avait appartenu, elle les aurait sans doute fait exécuter.

Tandis que le discours d’Elend touchait à sa fin, Vin reporta son attention sur lui.

— Messieurs, conclut-il, je fais cette proposition par croyance, et je la fais au nom de ceux que nous représentons. Je vous demande du temps. Je propose que nous renoncions à tout vote engageant l’avenir de la ville jusqu’à ce qu’une délégation royale digne de ce nom ait été autorisée à rencontrer l’armée aux portes de la ville pour décider quelle est notre marge de négociation, ou même s’il y en a une.

Il reposa sa page et leva les yeux en quête de commentaires.

— Donc, déclara Philen, l’un des commerçants de l’Assemblée. Vous nous demandez de vous donner le pouvoir de décider du sort de la ville.

Philen s’affichait avec une telle aisance dans son riche costume que nul n’aurait jamais deviné qu’il n’en portait que depuis un an.

— Pardon ? répondit Elend. Je n’ai rien dit de tel : je demande simplement du temps. Pour rencontrer Straff.

— Il a rejeté tous nos messages précédents, intervint un autre membre. Qu’est-ce qui vous fait penser qu’il vous écoutera cette fois-ci ?

— Nous abordons les choses sous le mauvais angle ! déclara l’un des représentants de l’aristocratie. Nous devrions supplier Straff Venture de ne pas attaquer, pas le rencontrer pour bavarder. Nous devons prouver rapidement que nous voulons collaborer avec lui. Vous avez vu cette armée. Il compte nous détruire !

— Je vous en prie, dit Elend en levant une main. Ne nous écartons pas du sujet !

Un autre membre de l’Assemblée – l’un des skaa – prit la parole, comme s’il n’avait pas entendu Elend.

— Vous parlez ainsi parce que vous êtes noble, rétorqua-t-il en désignant l’aristocrate qu’Elend avait interrompu. C’est facile d’envisager de collaborer avec Straff, pour vous qui avez si peu de choses à perdre !

— Si peu à perdre ? demanda le noble. Je pourrais être exécuté, ainsi que toute ma maison, pour avoir soutenu Elend contre son père !

— Bah, répondit l’un des commerçants. Tout ceci ne sert à rien. Nous aurions dû engager des mercenaires il y a des mois, comme je l’avais suggéré.

— Et où aurions-nous trouvé les fonds ? s’enquit lord Penrod, l’un des aristocrates les plus éminents de l’Assemblée.

— Les impôts, répondit le marchand avec un geste de la main.

— Messieurs ! dit Elend, avant de répéter plus fort : Messieurs !

Son intervention lui valut un peu d’attention.

— Nous devons prendre une décision, poursuivit-il. Ne vous écartez pas du sujet, je vous prie. Que dites-vous de ma proposition ?

— Qu’elle ne sert à rien, répondit Philen le commerçant. Pourquoi attendre ? Invitons simplement Straff à entrer dans la ville et finissons-en. Il va la prendre, de toute façon.

Vin se laissa aller en arrière sur son siège tandis que les hommes recommençaient à se disputer. Le problème était que Philen le commerçant – malgré l’antipathie qu’il lui inspirait – avait raison. Straff possédait une immense armée. Était-il réellement dans leur intérêt de gagner ainsi du temps ?

— Eh bien, voyez, déclara Elend en s’efforçant de retrouver leur attention – ce qu’il ne réussit qu’à moitié. Straff est mon père. Je pourrais peut-être lui parler. Le convaincre d’écouter. Il a vécu des années à Luthadel. Je pourrais peut-être le persuader de ne pas l’attaquer.

— Eh bien, dit l’un des représentants skaa. Et la question de la nourriture ? Vous avez vu combien les commerçants font payer les céréales ? Avant de nous inquiéter de cette armée, nous devrions parler de baisse des prix.

— Toujours à nous accuser de vos problèmes, intervint l’un des commerçants de l’Assemblée en le montrant du doigt.

Et les chamailleries reprirent de plus belle. Elend s’affaissa très légèrement derrière le lutrin. Vin secoua la tête, désolée pour lui, tandis que la discussion dégénérait. C’était souvent ce qui se produisait lors des réunions de l’Assemblée ; de son point de vue, ils ne traitaient pas Elend avec le respect qu’il méritait. Peut-être était-ce sa faute à lui, pour les avoir quasiment considérés comme ses égaux.

Enfin, la discussion toucha à sa fin et Elend sortit une feuille de papier, dans l’intention manifeste d’enregistrer les votes concernant sa proposition. Il ne paraissait guère optimiste.

— Bon, déclara-t-il. Passons au vote. Veuillez vous rappeler ceci : m’accorder du temps ne revient pas à dévoiler notre jeu. Ça me donnera simplement une chance d’essayer de faire revenir mon père sur sa décision de nous prendre notre ville.

— Elend, mon garçon, dit lord Penrod. Nous vivions tous ici pendant le règne du Seigneur Maître. Nous savons tous quel genre d’homme est votre père. S’il veut cette ville, il s’en emparera. La seule décision que nous puissions prendre, c’est comment y renoncer au mieux. Nous pouvons peut-être trouver un moyen de garder une certaine liberté sous son règne.

Le groupe garda le silence et, pour la première fois, personne ne souleva de nouveau sujet de chamaillerie. Quelques-uns se tournèrent vers Penrod, qui affichait une expression de calme et de maîtrise. Vin ne savait pas grand-chose de cet homme. C’était l’un des aristocrates les plus puissants restés en ville après la Chute, et il était politiquement conservateur. Toutefois, elle ne l’avait jamais entendu parler en mal des skaa, ce qui devait expliquer sa popularité auprès du peuple.

— Si je parle avec une telle franchise, dit Penrod, c’est qu’il s’agit de la vérité. Nous ne sommes pas en position de marchander.

— Je suis d’accord avec Penrod, intervint Philen. Si Elend veut rencontrer Straff Venture, c’est sans doute son droit. Il me semble que le titre de roi lui donne l’autorité de négocier avec des monarques étrangers. Cependant, nous ne sommes pas obligés de promettre de ne pas livrer la ville à Straff.

— Maître Philen, reprit lord Penrod. Je crois que vous avez mal compris mon intention. J’ai dit que livrer la ville était inévitable – mais que nous devions essayer d’en tirer le plus grand bénéfice possible. Ce qui implique au moins de rencontrer Straff pour juger de son état d’esprit. Décider de lui livrer la ville dès maintenant reviendrait à dévoiler trop tôt notre jeu.

Elend leva les yeux, où brillait une lueur d’espoir pour la première fois depuis que la discussion avait commencé à dégénérer.

— Alors vous soutenez ma proposition ? demanda-t-il.

— C’est une manière peu commode d’obtenir la pause que j’estime nécessaire, dit Penrod. Mais… comme l’armée se trouve déjà ici, je doute que nous ayons le temps d’essayer autre chose. Donc oui, Majesté, je soutiens votre proposition.

Plusieurs autres membres de l’Assemblée acquiescèrent aux propos de Penrod, comme s’ils réfléchissaient à la proposition pour la première fois. Ce Penrod a trop de pouvoir, songea Vin, plissant les yeux tandis qu’elle étudiait le vétéran politique. Ils l’écoutent davantage qu’Elend.

— Bon, si nous votions ? demanda l’un des autres membres.

Ce qu’ils firent donc. Elend enregistra les votes en passant en revue les membres de l’Assemblée un par un. Les huit aristocrates – sept plus Elend – votèrent pour la proposition, accordant ainsi un poids considérable à l’opinion de Penrod. Les huit skaa étaient majoritairement pour, et les commerçants contre. Mais au bout du compte, Elend obtint les deux tiers nécessaires.

— Proposition acceptée, déclara-t-il, un peu surpris, en établissant le décompte final. L’Assemblée renonce au droit de céder la ville tant que le roi n’aura pas rencontré Straff Venture en pourparlers officiels.

Vin se laissa aller sur son siège, s’efforçant de décider ce qu’elle pensait de ce vote. C’était une bonne chose qu’Elend ait obtenu gain de cause, mais la façon dont il y était parvenu la dérangeait.

Elend abandonna enfin le lutrin pour aller s’asseoir et laisser un Philen renfrogné prendre la parole. Le commerçant lut une proposition qui appelait à voter pour accorder aux commerçants le contrôle des réserves de nourriture de la ville. Cependant, ce fut cette fois Elend qui exprima son désaccord, et les disputes reprirent. Vin observa la scène avec intérêt. Elend savait-il à quel point il se comportait comme eux lorsqu’il critiquait leurs propositions ?

Elend et une poignée des skaa de l’Assemblée parvinrent à faire barrage assez longtemps pour que la pause déjeuner survienne sans qu’ils aient voté. L’auditoire se leva, s’étira, et Ham se tourna vers elle.

— Intéressante, cette séance, hein ?

Vin se contenta de hausser les épaules. Ham gloussa.

— Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour ton ambivalence par rapport au devoir civique, jeune fille.

— J’ai déjà renversé un gouvernement, répondit Vin. J’imagine que ça règle la question de mon « devoir civique » pour un moment.

Ham sourit, bien qu’il surveille toujours la foule d’un œil prudent – tout comme Vin. À présent que tout le monde s’affairait, le moment serait idéal pour attenter à la vie d’Elend. Une personne en particulier retint son attention, et elle fronça les sourcils.

— Je reviens dans deux secondes, lança-t-elle à Ham en se levant.

 

— Vous avez fait ce qu’il fallait, lord Penrod, chuchota Elend à l’aristocrate tandis que la pause se prolongeait. Il nous faut plus de temps. Vous savez ce que mon père va faire à cette ville s’il s’en empare.

Lord Penrod secoua la tête.

— Je n’ai pas fait ça pour vous, jeune homme. Je l’ai fait parce que je voulais m’assurer que ce crétin de Philen ne livre pas la ville avant que la noblesse soutire à votre père des promesses quant à nos droits au titre.

— Eh bien, voyez, répondit Elend en levant un doigt, il doit y avoir une autre méthode ! Le Survivant n’aurait jamais cédé cette ville sans se battre.

Voyant Penrod froncer les sourcils, Elend se maudit intérieurement. Le vieux lord était un traditionaliste – lui citer le Survivant ne risquait guère d’exercer un effet positif. Beaucoup de nobles se sentaient menacés par l’influence de Kelsier auprès des skaa.

— Méditez la question, reprit Elend, jetant un coup d’œil sur le côté en voyant approcher Vin.

Elle lui fit signe de s’éloigner des sièges de l’Assemblée, et il se retira. Il traversa l’estrade pour la rejoindre.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il tout bas.

— La femme au fond, chuchota-t-elle, le regard méfiant. La grande en bleu.

La femme en question n’était guère difficile à repérer ; elle portait un corsage bleu vif ainsi qu’une jupe d’un rouge éclatant. Elle était mince, d’âge moyen, et ses cheveux à hauteur de la taille étaient tressés dans le dos. Elle patientait tandis que les gens s’affairaient dans la pièce.

— Qu’a-t-elle de spécial ? demanda Elend.

— Terrisienne, répondit Vin.

Elend hésita.

— Tu en es sûre ?

Vin hocha la tête.

— Ces couleurs… et tous ces bijoux. C’est une Terrisienne, aucun doute là-dessus.

— Et alors ?

— Alors je ne l’ai jamais rencontrée, expliqua Vin. Et elle t’observait à l’instant.

— Les gens m’observent, Vin, lui fit remarquer Elend. Après tout, je suis le roi. Et d’abord, pourquoi devrais-tu l’avoir déjà rencontrée ?

— Tous les autres Terrisiens sont venus me trouver juste après leur arrivée en ville, répondit-elle. J’ai tué le Seigneur Maître ; ils me voient comme celle qui a libéré leur patrie. Mais elle, je ne la reconnais pas. Elle n’est jamais venue me remercier.

Elend leva les yeux au ciel et saisit Vin par les épaules pour la détourner de cette femme.

— Vin, ma galanterie m’oblige à te dire quelque chose.

Vin fronça les sourcils.

— Quoi donc ?

— Tu es superbe.

La jeune fille hésita.

— Quel rapport ?

— Absolument aucun, répondit-il en souriant. J’essaie simplement de te distraire.

Vin se détendit et sourit légèrement.

— Je ne sais pas si on te l’a déjà dit, Vin, remarqua Elend, mais tu es parfois un peu paranoïaque.

Elle haussa un sourcil.

— Ah bon ?

— Je sais que c’est difficile à croire, mais c’est la vérité. Personnellement, je trouve ce trait de caractère plutôt charmant, mais crois-tu sincèrement qu’une Terrisienne tenterait de me tuer ?

— Sans doute que non, admit Vin. Mais les vieilles habitudes ont la peau dure.

Elend sourit. Puis jeta de nouveau un coup d’œil vers l’Assemblée, dont la majeure partie parlait tout bas par petits groupes. Ils ne se mélangeaient pas. Les nobles parlaient aux nobles, les commerçants aux commerçants, les travailleurs skaa aux autres travailleurs skaa. Ils paraissaient tellement cloisonnés, tellement obstinés. Les propositions les plus simples se heurtaient parfois à des disputes qui pouvaient durer des heures.

Il faut qu’ils m’accordent plus de temps ! songea-t-il. Pourtant, alors même que cette pensée le traversait, il prit conscience du problème. Plus de temps pour quoi ? Penrod et Philen avaient attaqué sa proposition à juste titre.

En réalité, la ville tout entière était complètement dépassée. Personne ne savait comment réagir face à une force d’invasion supérieure, surtout pas Elend. Il savait simplement qu’ils ne pouvaient pas baisser les bras. Pas encore. Il devait exister un moyen de se battre.

Vin regardait toujours sur le côté, en direction de l’auditoire. Elend suivit son regard.

— Tu surveilles toujours cette Terrisienne ?

Vin secoua la tête.

— Autre chose… de curieux. C’est l’un des messagers de Clampin ?

Elend hésita et se retourna. Effectivement, plusieurs soldats se frayaient un chemin parmi la foule pour approcher de l’estrade. Au fond de la pièce, les gens avaient commencé à murmurer, et certains s’empressaient déjà de quitter la salle.

Elend sentit Vin se raidir d’inquiétude et une bouffée de peur le traversa. Nous agissons trop tard. L’armée a attaqué.

L’un des soldats atteignit enfin l’estrade et Elend se précipita vers lui.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-il. Straff vient-il d’attaquer ?

Le soldat fronça les sourcils, l’air inquiet.

— Non, milord.

Elend soupira légèrement.

— Alors que se passe-t-il ?

— Une seconde armée, milord. Elle vient d’arriver aux portes de la ville.

Le puits de l'ascension
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